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Cathédrale Sainte-Croix d'Orléans, reconstruite après les Guerres de religion dans un style inspiré du gothique flamboyant, jusque dans la façade du dix-huitième siècle. |
Enseignant à l'Université de Cergy-Pontoise, Mathieu Lours a donné, le 9 novembre, le deuxième des douze cours publics de l'école de Chaillot pour la session 2017-2018. Intitulé "Des cathédrales à reconstruire, entre idéalité et desseins temporels (seizième-dix-neuvième siècles)", ce cours s'est avéré des plus stimulants.
Après une introduction justifiant le choix des cathédrales comme sujet d'étude des processus de reconstruction, M. Lours a expliqué que de nombreuses cathédrales avaient été totalement ou partiellement détruites à partir de 1562, par des protestants les considérant comme des symboles des dérives "papistes" (à Rouen, Meaux et surtout dans les régions protestantes du Languedoc). Il a ensuite procédé à une revue de cas de reconstructions, après l'édit de Nantes, des cathédrales détruites pendant les Guerres de religion, Il a souligné que, malgré quelques similitudes, il s'agissait presque à chaque fois de cas d'espèce allant d'une reconstruction à l'identique (Valence) à un abandon complet des ruines (Maillezais) en passant par des reconstitutions archéologiques (Die) ou archaïsantes (Orléans), sans oublier un certain nombre de modernisations stylistiques (Montauban) ou plus liturgiques (Orange). Dans tous les cas, M. Lours a noté la dimension essentiellement fonctionnelle de la démarche des reconstructeurs et leur tendance bien française à établir au sein d'un édifice une véritable unité de style.
Dans un deuxième temps, et non sans multiplier les comparaisons avec le seizième siècle, M. Lours s'est penché sur la période révolutionnaire. Il a souligné qu'on avait très peu d'images de destruction des cathédrales et a insisté sur le fait que le vandalisme n'avait pas pris, pendant la période révolutionnaire, une dimension aussi systématique que pendant les Guerres de religion. On a surtout, d'après lui, après 1793, utilisé des cathédrales comme carrières de pierre, ou on les a laissées tomber en ruines, à Cambrai, Arras ou Avranches notamment. On a d'autre part, au dix-neuvième siècle, achevé la construction de certaines cathédrales. Et on a parfois détruit certaines de leurs parties intactes avant de les rétablir différemment, dans le but de favoriser la fameuse unité de style qui tendait de plus en plus à s'imposer.
Au vingtième siècle, enfin, après avoir songé à une "patrimonialisation des ruines", on a finalement reconstruit la cathédrale de Reims (après 1918) et celle de Saint-Dié-des-Vosges (après 1945), en redonnant globalement à ces édifices, dans les deux cas, leur apparence d'avant-guerre.