Dans La Théorie de l'information, publiée en 2012, Aurélien Bellanger (né en 1980) retraçait dans un style très documenté évoluant insensiblement vers la prose poétique, l'essor de l'aviation et des nouvelles technologies de l'information dans la banlieue ouest de Paris, en s'inspirant librement du parcours de Xavier Niel, le fondateur de Free. Ce premier roman traitait souvent d'architecture et d'urbanisme, l'auteur évoquant longuement, par exemple, la construction du centre commercial de Parly II au Chesnay. Dans L'Aménagement du territoire, A. Bellanger se penche sur le destin de deux dynasties alliées mais rivales d'un petit village fictif de la banlieue de Laval, bouleversé par les travaux du TGV Paris-Rennes. Les deux familles prospèrent dans l'agriculture et surtout dans le BTP, tout en produisant quelques rejetons qui se tournent vers la politique, les sciences humaines, l'occultisme ou le militantisme écologique. Comme dans son premier roman, l'auteur recourt systématiquement au style indirect libre, cantonnant volontairement ses personnages à des archétypes chargés d'incarner les différentes forces en présence dans cette science typiquement française qu'est l'aménagement du territoire. Il est donc, dans ce roman, question de géologie, d'histoire, de patrimoine, d'archéologie préventive, de la modernisation de l'agriculture française, des paysages bocagers de la Mayenne et de l'Ouest, de sociétés secrètes et de politique, d'autonomisme breton et de redécoupage des régions ainsi que de la place des grandes infrastructures aéroportuaires et surtout ferroviaires dans la géographie française. L'architecture est aussi évoquée, même si c'est le plus souvent de manière indirecte. L'ensemble, transcendé par une écriture poétique et efficace s'avère passionnant.
Ci-dessous, un extrait évoquant l'opinion d'André Taulpin, chef d'un géant du BTP dans le roman, sur la gare de Besançon (p. 199) :
"La nouvelle gare TGV de Besançon était une caricature de l'envahissant et inhumain pouvoir des environnementalistes. Il n'était plus permis de construire des monuments en France. Ils étaient des insultes au paysage. Le dernier monument construit en France, il devait le reconnaître, l'avait été à l'instigation du président Mitterrand : c'était la pyramide du Louvre. Il n'y avait plus rien eu depuis. Tout était désormais ramassé, consensuel et honteux. La gare de Besançon, Franche-Comté TGV, située dans une zone forestière, était à demi enterrée et recouverte d'un substrat végétal. C'était un projet à Haute Qualité Environnementale. Les escaliers eux-mêmes, dont la nature brutale était depuis longtemps dénoncée par les associations de handicapés, avaient été remplacées par des rampes d'accès inclinées dont les pentes trop douces formaient d'interminables zigzags ; l'ensemble donnait l'impression qu'on avait, après l'avoir déjà chassée du centre-ville et obligée à se conformer à des normes humiliantes, voulu écraser la gare pour la faire disparaître. Elle n'avait bien sûr pas été inaugurée par le président de la République, mais par son ministre de l'Ecologie".