mardi 31 décembre 2013

Les chefs-d’œuvres des frères Perret au Conseil économique, social et environnemental

Le Conseil économique, social et environnemental accueille dans ses locaux du palais d'Iéna (ancien Musée des Travaux publics), une exposition de huit chefs-d’œuvres des frères Perret : l'immeuble de la rue Franklin (1903) et le théâtre des Champs-Elysées (1913), l'église du Raincy (1923), la salle Cortot (1928), le Mobilier national (1934), le palais d'Iéna (1937), l'hôtel de ville du Havre (1950) et l'église Saint-Joseph du Havre (1951). 

http://www.lecese.fr/content/auguste-perret-huit-chefs-doeuvres-architectures-du-beton-arme

L'exposition a été conçue par Joseph Abram, la scénographie étant assurée par l'agence de Rem Koolhaas. Elle est organisée en quatre parcours parallèles qu'on peut suivre l'un après l'autre ou entre lesquels on peut choisir de circuler. Les deux premiers parcours sont très cohérents et chronologiquement organisés autour des huit "chefs-d’œuvres". Ils confrontent d'un côté les projets des frères Perret et des photographies contemporaines de leur achèvement et de l'autre des maquettes, datant pour la plupart des années 2000 : la notion de chef-d’œuvre n'est pas vraiment développée, mais les huit étapes de ce double parcours permettent de bien saisir les grands principes successivement mis au point par l'agence Perret. Le troisième parcours replace succinctement cette œuvre dans l'histoire des arts de l'époque : on y découvre les manuels sur lesquels les deux frères aînés ont travaillé dans l'atelier de Julien Guadet, quelques-uns des livres achetés par Auguste Perret, ainsi que d'autres, rédigés par lui ou consacrés à son travail. Quelques lettres permettent d'évoquer ses relations avec Antoine Bourdelle, Marie Dormoy et Le Corbusier. Le dernier des quatre parcours est plus hétéroclite : on peut y voir des photos prises par les frères Perret lors de leurs voyages, photos malheureusement peu contextualisées, on peut aussi découvrir quelques objets tirés du Mobilier national et une curiosité, la barque en béton conçue par Joseph Lambot en 1848. D'autres photos prises plus récemment dans les huit édifices sélectionnés semblent intéressantes mais sont malheureusement très difficiles à consulter puisqu'elles se trouvent imprimées sur des feuilles plastifiées, dans de grands volumes très peu maniables. Quant au film tourné dans l'immeuble de la rue Franklin proposé en vidéo, il semble dépourvu d'intérêt. Malgré ces quelques restrictions, l'ensemble s'avère plutôt pertinent. 


samedi 7 décembre 2013

"Archiscopie" de décembre 2013

Le numéro de décembre d'Archiscopie vient de paraître. Au sommaire, entre autres, un article de Gabriel Ehret sur une expérience d'habitat participatif à Villeurbane et un article de Marie-Jeanne Dumont sur le brutalisme de Le Corbusier, à l'occasion d'une exposition sur ce thème à Marseille.

Archiscopie, n° 126, décembre 2013


dimanche 1 décembre 2013

Premières impressions de l'exposition "1925, quand l'Art déco séduit le monde"

La grande exposition patrimoniale d'hiver de la Cité de l'architecture a commencé le 16 octobre 2013 et s'achèvera le 17 février 2014. Elle est consacrée à l'Art déco. Pourquoi l'Art déco ? On n'en saura rien, puisque l'exposition commence par une comparaison entre Art nouveau et Art déco, sans qu'on nous explique ni au début ni à aucun moment de l'exposition ce qui a conduit la Cité de l'architecture à se pencher sur cette période... Les intentions ne sont pas plus explicites à la fin de l'exposition, qui se termine sans bilan, aussi brutalement qu'elle avait commencé. Il faut donc accepter, en entrant dans l'exposition une apparente neutralité de point de vue qui fait de l'Art déco une belle page arrachée à l'histoire de l'art français, sans grand rapport d'ailleurs avec ce qui s'est passé avant ou avec ce qui a suivi, ni d'ailleurs, avec ce qui se passait ailleurs à la même époque.
La Première Guerre mondiale n'est évoquée que très rapidement, le contexte socio-politique de l'entre-deux guerres n'est que vaguement esquissé et les impasses esthétiques auxquelles l'Art déco a pu aboutir ne sont pas mentionnées (ce qui aurait pourtant été très facile à faire, l'exposition se déroulant dans le Palais de Chaillot...). L'Art déco dans les colonies est bien mis en valeur : on se rend compte, dans la dernière partie de l'exposition, des opportunités que fournissaient aux architectes le Maroc ou l'Indochine par exemple. Mais l'étranger n'est par ailleurs mentionné que dans la mesure où les artistes français s'y sont illustrés, ce qui réduit pratiquement le champ d'investigation aux Amériques, au Japon et aux Balkans... Quant au reste de l'Europe et à tous les courants contemporains et souvent rivaux de l'Art déco, ils sont à peine cités : Le Corbusier n'apparaît qu'une fois, sous le nom de Jeanneret. L'importance accordée à l'exposition de 1925 et à son retentissement apparaît démesurée puisqu'un bon tiers des salles lui est consacré. Ces salles sont censées illustrer le fait, posé dès le début comme une originalité, que les artistes Art déco travaillaient en équipe à une sorte de synthèse des arts, sous la houlette des architectes... Mais cela ne convainc pas vraiment car le travail équipe n'est bien sûr pas propre à l'Art déco (qu'on pense à l'Art nouveau nancéien ou au Bauhaus entre autres exemples proches de l'Art déco).
Malgré tous ces problèmes, l'exposition n'est pas sans intérêt, car elle présente des œuvres rares. Mais elle parvient imparfaitement à les confronter. C'est probablement dû à l'espace assez ingrat que constitue l'enfilade de salles des sous-sols de la Cité de l'architecture. Mais c'est aussi lié à une scénographie redondante reconstituant inutilement des stands Art déco en carton-pâte, comme on avait déjà pu voir l'année dernière de fausses façades du dix-huitième siècle pour l'exposition sur les hôtels particuliers : tant qu'à privilégier des scénographies "ludiques", on préférerait celles si bien mises en œuvre dans l'autre aile du Palais de Chaillot, au musée de la Marine, où de récentes expositions sur les paquebots ou sur les phares sont apparues bien plus réussies. Par ailleurs, les textes introduisant chaque salle sont un peu banals et les cartels sont illisibles : les cartels des bustes d'architectes de la première salle, incompréhensiblement situés à 60 ou 70 cm du sol sont rédigés en police de taille 12 (11 pour les anglophones)... L'ensemble des cartels de l'exposition n'est pas placé au plus près des œuvres mais regroupé sur de petits panneaux qui provoquent immanquablement l'agglutinement des visiteurs, et ces cartels sont d'autant plus illisibles que l'exposition connaît apparemment un grand succès, les salles étant bondées le week-end... A défaut de satisfaire complètement l'amateur éclairé, l'exposition semble, en effet, ravir le grand public.