Le musée des Beaux-arts de Rouen présente, jusqu'au 31 août 2014, une exposition consacrée aux cathédrales pendant un long dix-neuvième siècle qui court de la Révolution à la Première Guerre mondiale incluse. Dans un premier temps, l'absence d'un parti clair déroute : on ne rappelle que succinctement au visiteur ce qu'est une cathédrale et ce qu'est le style gothique, et a aucun moment on ne lui explique pourquoi l'exposition semble se préoccuper des seules cathédrales gothiques, tout en s'autorisant parfois un détour par une église paroissiale ou une abbaye, pour peu qu'elle soit elle aussi gothique... Le texte introduisant l'exposition fait par ailleurs craindre une vision un peu datée de l'histoire de la réception du style gothique : assimilé à l'art germanique à partir de la Renaissance, il aurait été redécouvert au début du dix-neuvième siècle par les romantiques avant d'être ardemment revendiqué comme une gloire nationale, notamment en France et en Allemagne... La problématique demeure donc implicite et n'apparaît qu'au fil des salles : elle consiste à se demander comment la cathédrale, et essentiellement la cathédrale ou la grande église gothique, a pu devenir un mythe à travers les représentations picturales et littéraires et cela aussi bien en France qu'en Allemagne mais aussi en Grande-Bretagne. Ce n'est donc pas par son approche novatrice que cette exposition se distingue, ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'elle a manifestement pour but de vulgariser des connaissances auprès de nombreux visiteurs et pas de révolutionner l'histoire de l'art. Ce qui en fait le grand intérêt, même pour un public de connaisseurs, c'est la diversité et surtout la grande qualité des œuvres exposées. On pourra regretter que la période révolutionnaire ne soit que très brièvement évoquée, de même que les grandes campagnes de restauration du dix-neuvième siècle ; on pourra déplorer l'importance peut-être trop grande accordée à quelques édifices, les cathédrales de Paris, Rouen, Reims et Cologne se taillant la part du lion ; mais on ne peut que se réjouir de la liste impressionnante des artistes exposés et notamment des artistes britanniques ou germaniques : à côté des sculptures, dessins et tableaux de Viollet-le-Duc, Hugo, Pissaro, Sisley, Jongkind, Monet, Rodin, Redon, Gustave Moreau, figurent ainsi Turner, Ruskin, Constable, Goethe, Schinkel et Friedrich. L'ensemble représente une impressionnante collection d’œuvres qui finit par convaincre de la dimension "mythique" acquise par la cathédrale gothique au cours du dix-neuvième siècle. Après avoir succinctement mais pertinemment évoqué la Première Guerre mondiale, l'exposition se conclut sur une dernière salle dans laquelle on peut admirer des œuvres de l'entre-deux-guerres de Bruno Taut et de Lyonel Feininger. Ces dernières œuvres soulignent le rôle important pris, dans l'incontestable réussite que constitue cette exposition, par les prêts d'institutions allemandes. L'exposition est en fait binationale, coorganisée avec le musée Wallraf-Richartz de Cologne où elle sera présentée à partir de septembre 2014.