Plus qu'une semaine pour voir au musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg l'excellente exposition intitulée Interférences dont le commissariat a été assuré par Jean-Louis Cohen et l'historien allemand Hartmut Frank. Comme son sous-titre l'indique, cette exposition ambitionne rien moins que d'éclairer deux siècles de relations franco-allemandes dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme. Et elle tient le pari. Les nombreux architectes allemands qui se forment à Paris à la toute fin de l'Ancien régime et qui y poursuivent parfois leur carrière, les Français qui travaillent en Allemagne pendant la période napoléonienne, la controverse à propos de l'origine de l'architecture gothique, le développement des politiques patrimoniales et l'essor parallèle de l'historicisme, l'utilisation des nouveaux matériaux (fer et béton), l'essor de l'urbanisme et le développement des cités-jardins, le rôle des deux guerres mondiales et des occupations réciproques, l'importance des régions frontalières souvent passées d'un pays à l'autre (l'Alsace-Lorraine et la Sarre notamment), rien n'est laissé de côté. L'ensemble est présenté de manière sobre mais très efficace. Les œuvres (maquettes, dessins, revues) mettent très bien en valeur les interférences qui donnent leur titre à l'exposition. Les cartels ne recopient pas des pages entières du catalogue mais soulignent, de manière très concise, les relations architecturales entre les deux pays, de la Révolution à la deuxième reconstruction. Il aurait d'ailleurs peut-être fallu s'en tenir aux années 1960, car après cette période, et malgré le traité de Élysée dont on célèbre cette année le cinquantenaire et qui avait pour but de renforcer les liens entre les deux pays, les rapports semblent se distendre : les architectes français et allemands cessent d'accorder un intérêt privilégié à ce qui se fait dans leur domaine de part et d'autre du Rhin. C'est probablement lié à une certaine mondialisation de l'architecture, dans laquelle France et Allemagne n'ont pas disparu de la carte mais où elles n'occupent plus qu'un rôle de puissances moyennes, sans rapport avec leur rayonnement pendant la période 1800-1939... Malgré la dernière section chronologique de l'exposition qui convainc donc un peu moins, on ne peut que recommander Interférences. Et pour ceux qui n'aurait pas le temps de se rendre à Strasbourg avant le 21 juillet, ils pourront se rattraper en allant voir l'exposition au musée allemand d'architecture de Francfort qui l'accueillera prochainement.